La vie de Ghislain pendant la guerre (1).
Ghislain a 86 ans.
Il habite dans le Sud-ouest de la France. Il est retraité mais il a été agriculteur pendant toute sa vie. Il m’a raconté ce qui lui était arrivé durant la seconde guerre mondiale, à commencer par l’obligation de faire une sorte de service militaire (le « chantier de jeunesse ») puis de partir en Autriche. Voici la première partie de son témoignage, 3 autres parties suivent.
Il habite dans le Sud-ouest de la France. Il est retraité mais il a été agriculteur pendant toute sa vie. Il m’a raconté ce qui lui était arrivé durant la seconde guerre mondiale, à commencer par l’obligation de faire une sorte de service militaire (le « chantier de jeunesse ») puis de partir en Autriche. Voici la première partie de son témoignage, 3 autres parties suivent.
Troisième partie
DOCUMENT AUDIO (PREMIÈRE PARTIE) :
Avant d’écouter le document, lisez ces questions, ce sont les informations que vous devrez entendre dans l’interview.
1) Combien de temps Ghislain est-il resté dans les Pyrénées ?
2) Quel grade a-t-il obtenu à Arudy ?
3) Quelle activité lui et ses camarades ne faisaient-ils pas ?
4) Pourquoi sont-il partis d’Arudy ?
5) Sur le plateau du Bénou, qu’ont-ils dû faire après un certain temps ?
6) À Barbaste, un jour, que leur ont annoncé leurs chefs ?
7) Que leur ont conseillé leurs chefs ?
8) Pourquoi les gendarmes sont-ils venus chez lui ?
9) Quelle a été la réaction de sa mère ?
10) Que s’est-il passé quand Ghislain et ses camarades sont arrivés à Paris ?
11) Quelle a été la réaction des prisonniers français quand les nouveaux sont arrivés en Autriche ?
12) Comment a évolué l’attitude de ces prisonniers ?
Écoutez maintenant le document audio (5 minutes 05).
EXERCICE :
Pour chaque question, choisissez la réponse correcte. Vous pouvez réécouter le document en même temps, cela vous aidera.
TRANSCRIPTION :
Après l’exercice, vous pouvez lire la transcription et les remarques pour mieux comprendre la prononciation et le vocabulaire.
Ghislain : Alors, je… je vais dire, je suis… j’étais de la classe 1942 (a) suis parti en s…, en septembre, quand… au chantier de jeunesse (b). Euh, j’ai passé… je suis allé au chantier de jeunesse, je suis… j’ai atterri (1) à Arudy, dans les Basses Pyrénées. Là, j’y suis resté pendant… un an et demie. Je… j’ai fait l’école des cadres au chantier de jeunesse, pendant six mois et je suis, je suis sorti chef de groupe. J’ai eu, pendant un certain temps, une équipe, comme tout le monde, enfin, comme tous. Euh, je ne… à ce moment-là, j’ai fait… on faisait, le matin, on se levait (A) comme… assez tôt, on faisait le… un décrassage (2) matinal, ensuite, on se lavait. Pour le chauffage, on allait couper du bois. On avait un poêle dans le… dans la… dans la carrée, on, et on se « brûlait » avec le bois (sic : on brûlait le bois, ou : on se chauffait avec le bois) qu’on avait, euh, coupé dans le, dans la journée. Euh, qu’est-ce que je peux dire encore ? À moment donné, quand la zone… on nous a dit que la zone allait être occupée (c), alors on nous a fait changer de… de quartier, on est allés dans… sur le plateau (3) du Bénou. Là, sur le plateau du Bénou, j’y suis resté pendant un certain temps. On nous a fait, euh, démolir (4), toutes… tous les baraquements (5), euh, que… qui ont été transportés sur le… le Lot-et-Garonne, à Barbaste. On est restés pendant un certain temps, euh, à Barbaste, ensuite, à Barbaste, quand, euh, on nous a dit, les chefs nous ont dit que… on était… le gouvernement avait institué le service du travail obligatoire (d), alors on nous a avertis que l’on allait certainement nous réquisitionner (6). Alors les chefs nous ont dit à ce moment-là : « Dans la nuit, vous pouvez partir chez vous et puis essayer de vous camoufler (7) si vous le pouvez ». Mais comme il y avait rien à ce moment-là d’organisé (e) alors, je suis quand même… on a pris le train dans la nuit à… et je suis rentré à la maison. À la maison, j’y suis resté trois jours et… au bout de trois jours, les gendarmes sont venus me réquisitionner et ont dit « Où est-il ? Il faut qu’il rentre (B) immédiatement à son poste sinon, vous pourriez avoir des ennuis, vous les parents. » Alors, euh, maman, ma mère, à ce moment-là, « pris » (sic : prise) de peur, m’a… a pas voulu que je… j’aille… je me cache (C), elle a préféré que je revienne (D) au chantier de jeunesse. Je suis reparti et du chantier de jeunesse, à ce moment-là, je suis… on a été embarqués pour… pour l’Allemagne. Voilà. Euh, on est partis en train, de Barbaste, on a été d’abord à… c’était… oui, on a été d’abord à Limoges, on a été… on a stationné à Limoges pendant un jour ou deux, je me rappelle plus exactement et ensuite on a été, euh, dirigés sur Paris alors à Paris, on nous a fait quitter nos vêtements de… verts kaki, euh, de… verts, de la couleur des chantiers de jeunesse pour nous donner des vêtements bleu marine, de la couleur des, des services du travail obligatoire. Et on se… d’ailleurs tout le monde, on se demandait tous pourquoi on nous avait changés de ce… Et donc on a été embarqués à Paris via Strasbourg et puis on a traversé toute l’Allemagne pour atterrir à… en Autriche à Wiener Neustadt. Et à Wiener Neustadt, quand on nous a vus arriver avec ces costumes, euh, les prisonniers qui étaient là depuis déjà trois ou quatre années, euh, nous ont un peu, disons, ils nous ont pas mal reçus mais enfin, il nous ont demandé ce qu’on venait faire alors que normalement, eux, ils faisaient tout pour que, ch… enfin, essayer de moins travailler, saboter un petit peu ce que… pour écraser (8) le régime Hitlérien. Mais petit à petit, les, ils ont compris… on leur a expliqué comment on avait, on était partis…
Gab : Que vous n’aviez pas eu le choix…
Ghislain : Qu’on n’avait pas eu le choix, comment on était partis [sonnerie du téléphone]. Et bon, petit à petit, ça s’est arrangé.
Remarques culturelles :a) J’étais de la classe 1942 = j’étais mobilisable en 1942.
b) Le chantier de jeunesse : cette organisation a existé de 1940 à 1944. Alors : un peu d’histoire… En 1940, la France signe un armistice avec l’Allemagne nazie et accepte la domination nazie. Les Nazis laissent la France sous l’autorité d’un gouvernement dirigé par le Maréchal Pétain. Ce gouvernement s’installe à Vichy (dans le centre de la France). Le « Gouvernement de Vichy » supprime le service militaire et instaure à la place une sorte de substitut du service militaire, les chantiers de jeunesse. Cela ressemblait un peu au scoutisme (vie dans la nature, travaux d’intérêt général) mais c’était évidemment obligatoire.
c) La zone allait être occupée : L’armistice du 22 juin 1040 prévoyait la séparation de la France en deux zones, une zone occupée (nord) et une zone libre (sud). La zone dite « libre » par les Français est placée sous l’administration du Gouvernement de Vichy et les deux zones sont séparées par une « ligne de démarcation ». Mais en 1942, le 11 novembre, la zone libre est à son tour envahie.
d) Le STO (Service du Travail obligatoire) : avec la complicité active du Gouvernement de Vichy, l’Allemagne nazie a organisé le transfert de jeunes Français pour qu’ils aillent travailler en Allemagne et en Autriche, parce qu’on manquait de main-d’œuvre là-bas dans les usines, l’agriculture, etc.
e) Il y avait rien à ce moment-là d’organisé : Ghislain veut dire qu’à sa connaissance, aucun mouvement de résistance n’était encore organisé.
Remarque de prononciation :
Dans cette interview, comme tout le temps quand il parle, Ghislain a une façon très particulière de prononcer les « R ». On dit qu’il « roule les R », un peu comme en espagnol par exemple. Cela s’explique par son âge, sa région d’origine.
Remarques de vocabulaire :
1) J’ai atterri = (ici) je suis arrivé, j’ai été muté. Mais on utilise le verbe « atterrir » dans ce sens-là quand on n’a eu pas le choix.
2) Un décrassage : normalement, la « crasse » = la « saleté », « décrasser » = « nettoyer ». Mais les sportifs utilisent parfois ce terme pour dire « faire une petite activité sportive, pas trop dure » (comme le lendemain d’une compétition, par exemple). Ici, Ghislain veut dire qu’ils faisaient quelques mouvements de gymnastique ensemble.
3) Le plateau = une forme de relief. C’est une aire géographique assez plane, en altitude, où les cours d’eau sont encaissés (plus bas) et peuvent former par exemple des canyons.
4) Démolir = défaire une construction en la faisant tomber (en vue de construire un nouveau bâtiment) ou = la détruire (pour l’anéantir). Ici, c’est le premier sens que Ghislain utilise.
5) Un baraquement = une construction provisoire, en bois.
6) Réquisitionner quelqu’un = obliger quelqu’un à s’engager dans un service, une armée, etc. Réquisitionner quelque chose = quand l’Administration exige qu’un bien soit mis à sa disposition pour une cause publique.
7) Se camoufler = se cacher, se dissimuler.
8) Écraser = [au sens propre] aplatir (rendre plat) par une pression ou par un choc, = [au sens figuré] vaincre totalement, anéantir.
Remarques de grammaire :
A) On se levait : n’oubliez pas que pour décrire toute habitude passée, on utilise forcément l’imparfait, pas le passé composé.
B) Il faut qu’il rentre : il faut que + verbe au subjonctif. Vous pouvez révisez le subjonctif avec le site Polarfle.
C) Voulu que j’aille, que je me cache : vouloir que + verbe au subjonctif.
D) Elle a préféré que je revienne : préférer que + verbe au subjonctif.
Carte du "périple" de Ghislain dans le Sud-ouest (cliquez sur AGRANDIR pour avoir les légendes des repères) :
Agrandir le plan
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire