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2008/12/02

DOCUMENT DE COMPREHENSION ORALE pour le niveau B2+ (Ghislain) :


La vie de Ghislain pendant la guerre (4).



Voici la fin de l’interview de Ghislain, qui avait 86 ans au moment de cette interview. Il y racontait son enrôlement pour le service du travail obligatoire (STO) et son séjour en Autriche puis son retour. Il parlait dans cette partie de l’après-guerre, des relations avec les anciens du STO. Si vous n’avez pas écouté les trois premières parties, je vous conseille de le faire avant d’écouter celle-ci, vous comprendrez mieux l’ensemble.


Ghislain était mon grand-père. Il est décédé le 23 juillet 2023. Il était âgé de 100 ans. 


Première partie

Deuxième partie

Troisième partie


DOCUMENT AUDIO :
Avant d’écouter le document et de faire l’exercice, vous pouvez lire les questions suivantes.


1) Que s’est-il passé le 8 mai ?
2) En Autriche, combien y avait-il d’hommes à peu près par chambre ?
3) Quelle était la proposition initiale du chef de groupe ?
4) Qui est invité aux rencontres ?
5) Combien de rencontres ont été organisées au total ?
6) Que font-ils à chaque fois après le repas ?
7) Quelle personne a initialement contacté tous les anciens du STO ?
8) Après la période en Autriche, qu’ont fait les anciens du STO ?
9) Pourquoi certains ont-ils refusé de participer aux rencontres ?


Écoutez maintenant le document audio (4 minutes 08).







EXERCICE :
Cette dernière partie est plus facile que le début mais j’ai essayé de préparer des questions portant sur de petits détails pour vous compliquer un peu la tâche… ;-)






TRANSCRIPTION :
Après l’exercice, vous pouvez lire la transcription et les remarques pour mieux comprendre le témoignage de Ghislain.


Ghislain : Alors, je suis arrivé à… à Evian le 2 mai et en… chez moi à Margueron (a) le 8 mai. On… je… me suis… Le 8 mai, je me suis trouvé à… à… la Libération (b) sur le…la, la… enfin, le canton que dans lequel j’étais, c’est Sainte Foy la Grande (c). Euh, mais ensuite, nous avons quand même gardé contact avec tous les, les gars (1) avec qui on était, on était… en Autriche, on était un groupe de 200 et… on était par piaule (2), environ, de… une dizaine de, de gars. Mais nous sommes restés pendant un certain temps sans… sans correspondre, puis un jour un des chefs de, de groupe de ce moment-là, euh, nous a, nous a demandé si on voulait pas, de nouveau, euh, se rencontrer et… envoyer une invitation à chacun pour que, à un endroit précis, on se retrouve. Et c’est ce qu’on a fait, euh, combien de temps après ? Je sais… Je ne sais pas… Les premières, euh… peut-être 20 ans après, quoi, on s’est retrouvés, euh, ensemble, pour repenser à ce qu’on avait vécu tout étant là-bas en Allemagne. Et ça a continué jusqu’à ces temps-ci mais au fur et à mesure (3), bon, euh, les… beaucoup disparaissaient, quoi, mouraient soit de maladie, soit de… et finalement, la dernière rencontre qu’on a eue, nous étions, euh, que… je me rappelle plus, sept… huit, huit, oui je crois… Hein, combien on était ? [Il s’adresse à sa femme Marie-Thérèse !] Huit avec nos épouses [en plus]. C’est, c’est… Voilà, qu’on invitait chaque fois. D’ailleurs chaque fois qu’on faisait… on invitait les épouses en même temps, oui. Alors, le nombre de rencontres, je m’en rappelle pas (4), il faudrait que je regarde dans tous mes papiers pour dire exactement le… le nombre de rencontres qu’on a eues après, au retour d’Allemagne [sic : ici, Ghislain voulait dire « d’Autriche » !].
Gab : Et qu’est-ce que vous faites quand vous vous rencontrez, comment ça se passe ?
Ghislain : Quand on se rencontre, bon, ben, on discute sur… sur ce qu’on avait fait là-bas, ce qu’on en… la vie qu’on avait, qu’on menait là-bas et puis on fait… un repas en commun et puis on se retire après le repas chacun dans son foyer (5). Voilà.
Gab : D’accord.
Ghislain : Voilà.
Gab : Comment vous avez fait pour vous retrouver ?
Ghislain : Euh, alors, pour nous retrouver, ç’a été très simple. Le président qui avait la, la liste… enfin, le président, celui qui à ce moment-là nous… était président du groupe là-bas à Wiener Neuestadt a donné l’adresse à une dame qui était postière dans une… du côté de Bergerac et c’est elle, quand elle travaillait de nuit, qui a recherché tous les… enfin tous les gars qu’elle pouvait, euh, qu’elle, et puis elle donnait le, le nom et c’est elle qui a… qui a donné le nom au président qui envoyait le… des lettres d’invitation à chacun. Voilà.
Gab : Grâce à la Poste !
Ghislain : Par la Poste, par la Poste, oui, oui ! C’est comme ça qu’on s’est retrouvés parce que chacun avait évidemment, sortant de... d’Autriche, après avoir fait sa vie (6) chez… chacun dans son, dans son quartier ou dans sa ville… bon, ben c’était assez difficile pour se retrouver et c’est grâce à elle… qu’on a retrouvé à peu près 200, 200 personnes, à peu près tous. Quelques-uns d’ailleurs, quelques-uns n’ont pas voulu, n’ont jamais, n’ont pas voulu, euh, participer, n’ont pas répondu et bon, c’est, c’est, ils étaient libres ceux qui n’ont pas voulu, bé, ils sont restés chez eux, quoi.
Gab : Oui, il y en a qui ont refusé de…
Ghislain : Ah oui, oui, à Bergerac, là, il y en a plusieurs qui… jamais on les… que je connaissais très bien, qui étaient en piaules avec moi, que je connaissais très bien mais jamais ils n’ont voulu participer.


Remarques de prononciation, habitudes de langage :
Ghislain parle avec un accent du Sud-Ouest, vous n’avez pas pu ne pas le remarquer ! Comme je l’écrivais dans la première partie de son interview, il « roule les R », c’est-à-dire qu’il les prononce un peu comme dans les autres langues latines.
Vous pouvez observer ici aussi qu’il hésite et cherche souvent ses mots. Rassurez-vous, il ne perd pas du tout la tête ! C’est juste que ce sont des souvenirs qu’il ne raconte pas souvent et qu’il lui faut retrouver les faits et les dates. De plus, il était un peu impresionné par mon micro ce jour-là ! Cela s’appelle, comme pour les comédiens au théâtre, le « trac » !

Remarques culturelles :
a) Margueron = petit village du Sud-Ouest, à 85 kilomètres à l’est de Bordeaux environ.
b) la Libération = comme vous l’avez remarqué dans l’exercice, on désigne par ce terme la fin de l’occupation nazie en France ET la fin du régime de Vichy - n’oublions pas qu’une certaine frange de la population française a collaboré avec les Nazis et a participé aussi à la déportation des Juifs.
c) Sainte Foy la Grande = petite ville à 80 kilomètres à l’est de Bordeaux environ. C’est en effet le chef-lieu de canton pour le village de Margueron. C’est par exemple à Sainte Foy que les gens de Margueron vont faire leurs courses (au marché, dans les supermarchés et les boutiques) et que les adolescents vont maintenant au collège et au lycée.

Remarques de vocabulaire et de grammaire :
1) Un gars (pluriel des gars) =
un homme, mais le mot « gars » (même étymologie que « garçon ») est un peu plus familier, vous connaissez sans doute l’équivalent actuel : « mec ».
2) Une piaule = une chambre (mot familier).
3) Au fur et à mesure = progressivement.
4) Je m’en rappelle pas : normalement, le verbe « se rappeler » a une construction directe. Exemples : « Je me rappelle les vacances chez mes grands-parents Ghislain et Marie-Thérèse. » ou « Je me les rappelle ». Ghislain aurait dû dire ici : « Je ne me le rappelle pas » (le nombre) ou « Je ne me les rappelle pas » (les rencontres). Vous observerez aussi qu’il oublie le « ne ». Cela fait deux erreurs dans la même phrase ! Mais comme ce sont sans doute les deux erreurs de grammaire les plus répandues en français, il est excusable ! Et vous ne choquerez personne si vous faites ces erreurs ! L'erreur avec « se rappeler » vient de la confusion avec le verbe synonyme « se souvenir de… ». Exemples : « Je me souviens des vacances chez mes grands-parents Ghislain et Marie-Thérèse. » ou « Je m’en souviens ».
5) Le foyer = c’est à l’origine la « partie de la cheminée où on fait du feu ». Par extension, ce mot désigne la « maison », le « logement » d’une famille. Et il y a aussi un troisième sens plus général encore, celui de « famille nucléaire » (ou de « ménage », le couple et ses enfants s’il y en a).
6) Faire sa vie = mener sa vie, par exemple fonder une famille ou encore faire carrière, se consacrer à une passion, etc. Exemple : on dira : « Mon mari est japonais mais il fait sa vie en France »…

2008/12/01

DOCUMENT DE COMPREHENSION ORALE pour le niveau B2+ (Ghislain) :

La vie de Ghislain pendant la guerre (3).




Ghislain avait 86 ans au moment de cette interview.

Il habitait dans le Sud-ouest de la France. Il était retraité mais il avait été agriculteur pendant toute sa vie. Il m’avait raconté ce qui lui était arrivé durant la seconde guerre mondiale, à commencer par l’obligation de faire une sorte de service militaire (le « chantier de jeunesse ») puis de partir en Autriche.


Ghislain était mon grand-père. Il est décédé le 23 juillet 2023. Il était âgé de 100 ans. 




Première partie

Deuxième partie

Quatrième partie


DOCUMENT AUDIO (TROISIÈME PARTIE):
Avant d’écouter ce document, lisez les questions suivantes.

1) Quel a été le bilan du bombardement que Ghislain évoque au début ?
2) Quels dommages l’usine a-t-elle subis ?
3) Quels produits étaient fabriqués dans la nouvelle usine où est allé Ghislain ?
4) Vers la fin de la guerre, de quoi lui et ses camarades ont-ils eu peur ?
5) Comment ont-ils fait la plus grande partie du trajet vers la Suisse ?
6) Pourquoi n’ont-ils pas fait la totalité du retour en train ?
7) Que s’est-il passé à Évian ?
8) Que leur a-t-on donné à Évian ?



Écoutez maintenant le document audio (2 minutes 58).




EXERCICE :
Pour chaque question, choisissez la réponse correcte.




TRANSCRIPTION :
Après l’exercice, vous pouvez lire la transcription et les remarques pour mieux comprendre le témoignage de Ghislain.


Gab : Et après, donc ?
Ghislain : Alors, euh, a… après ce bombardement, trois de nos camarades ont été tués (a). Alors, on a été ch… comme tout avait été écrasé, on nous a fait changer d’usine (c), on nous a envoyés (b) sur une usine qui faisait le tissage, pour euh, remettre les machines, enfin, remonter des machines et les remettre en route pour reprendre, euh, le travail. Alors, là, j’y suis resté jusqu’à la fin, euh, jusque… au moment où on a quitté : on a été… à ce moment-là, on a pris la.. le… les Russes, les soldats russes avançaient, euh, assez vite et on nous a, on nous a dit (d), bon, si vous le… si vous voulez pas vous faire, euh, accrocher (1) par les Russes, il faut, à ce moment-là (2), il faut par… il faut nous suivre, tout le groupement dans lequel on était, euh, a décidé de partir à l’aventure (3) sur… vers le… en direction de la Suisse pour essayer de passer la frontière. Alors, on a, pendant je sais plus, je me rappelle plus le temps qu’on a mis (e) mais on a… de montagnes en plaines, de… de… de, on a pris de… quelquefois le train mais comme les voies étaient coupées, on faisait peut-être, euh, je sais pas, quelques kilomètres puis la voie était coupée, il fallait s’arrêter, on re… on reprenait sac au dos, on repartait dans le, dans la nature, finalement pour aboutir à… au pont… sur la frontière suisse au pont Saint Margrethen et à ce moment-là, on a passé la frontière, là, au pont Saint Margrethen, sur la… le bord de la frontière suisse. Et on… le… là on est restés (f) pendant quelques temps puis on a été embarqués via la France à ce moment-là par, euh, je me rappelle plus comment ça, c’était… je sais pas si c’est… oui, on a été démobilisés, après, à Evian, quoi, on a été jusqu’à Evian, voilà.
Gab : D’accord. Et tu es resté longtemps à Evian ?
Ghislain : À Evian, on y est, on a, on y est restés trois jours, euh, pour le, là on nous a démobilisés, on nous a donné des, du ravitaillement, on nous a démobilisés et on est re… on a repris le train en… à ce moment-là vers la France, je suis arrivé vers le… je me rappelle plus… en France… 45… je suis arrivé en France
Gab : Vers 45…
Ghislain : Vers 45.
Gab : Au total, tu es resté combien de temps en Autriche ?
Ghislain : En Autriche ? Deux ans, presque deux ans.
Gab : Oui, oui.
Ghislain : Presque deux ans en Autriche. On est restés presque deux ans en Autriche. Voilà. Oui.
Gab : D’accord. Merci !

Remarques de vocabulaire :
1) Accrocher : normalement, ce verbe signifie « fixer » mais ici, c’est l’idée d’avoir une altercation, ou des problèmes, avec l’armée russe, donc vraisemblablement d’être faits prisonniers.
2) À ce moment-là = (ici) dans ces conditions.
3) Partir à l’aventure = sans destination précise.

Remarques de grammaire :
Faites attention à l’accord du participe passé aux temps composés et à la forme passive. Quelques exemples :
a) Trois de nos camarades ont été tués : à la forme passive, on accorde le participe passé (au féminin ou au pluriel) avec le sujet grammatical.
b) On nous a envoyés : on n’accorde normalement pas le participe passé quand le verbe se conjugue avec l’auxiliaire avoir, sauf comme ici quand le pronom complément (« nous ») a une fonction de complément d’objet direct (COD) et est placé avant le verbe (construction normale du verbe : envoyer quelqu’un quelque part).
c) On nous a fait changer d’usine :
mais quand il s’agit du verbe « faire » et qu’il est suivi d’un infinitif, on n’accorde pas le participe passé, même quand le pronom est COD.
d) On nous a dit : il n’y a pas d’accord ici car le pronom « nous » est complément d’objet indirect (COI) (construction normale du verbe : dire quelque chose à quelqu’un).
e) Le temps qu’on a mis : il n’y a pas d’accord ici car le COD est masculin. Mais avec un COD féminin, vous pourriez dire, par exemple : « Gabrielle, j’ai écouté les interviews que tu as mises sur ton blog ! ». Attention, ceci marche avec le pronom relatif « que » (ou « qu’ ») mais PAS avec « qui », « où » et « dont » !
f) On est restés : et avec l’auxiliaire « être », on accorde presque toujours le participe passé. Vous avez peut-être entendu dire que « on » reste toujours singulier. Oui, quand il s’agit d’une généralité. Mais quand il s’agit d’un groupe (quand « on » = « nous »), c’est plus logique de faire l’accord au féminin pluriel ou au masculin pluriel.
Une dernière remarque sur les accords des verbes construits avec l’auxiliaire « être ». J’ai écrit plus haut que normalement, il fallait faire l’accord. Mais deux phrases d’exemple vous montreront que ce n’est pas toujours le cas avec des verbes pronominaux (verbes avec « se »). On dira : « Elles se sont vues. » (construction normale du verbe : voir quelqu’un) mais « Elles se sont téléphoné.
» (construction normale du verbe : téléphoner à quelqu’un). Et oui, il faut donc apprendre, petit à petit les constructions de tous les verbes… Mais rassurez-vous, c’est une de plus grandes difficultés du français, et même des gens quasiment bilingues ont encore des difficultés !

Remarques diverses :
Vous avez pu entendre que Ghislain « roule » les « R »… Mais ne cherchez pas à l’imiter, c’est une prononciation qui se perd, qui est caractéristique de gens plutôt âgés…
Vers la fin de l’interview, Ghislain hésite un peu, il est un peu impressionné par l’interview. Mais vous entendrez dans la dernière partie de son témoignage qu’il s’est ensuite ressaisi, et a clairement précisé les dates de son retour. Il s’agit bien de l’année 1945 puisque c’est celle de la fin de la seconde guerre mondiale.

Et pour finir : vous trouverez peut-être étonnant que je tutoie Ghislain. C'est vrai que l'on vouvoie plutôt les personnes de cet âge. Mais Ghislain est mon grand-père, cela est donc normal...

2008/11/19

DOCUMENT DE COMPREHENSION ORALE pour le niveau B2+ (Ghislain) :

La vie de Ghislain pendant la guerre (2).




Ghislain avait 86 ans au moment de cette interview.

Il habitait dans le Sud-ouest de la France. Il était retraité mais il avait été agriculteur pendant toute sa vie. Il m’avait raconté ce qui lui était arrivé durant la seconde guerre mondiale, à commencer par l’obligation de faire une sorte de service militaire (le « chantier de jeunesse ») puis de partir en Autriche.

Si vous n’avez pas écouté la première partie de son interview, faites-le plutôt d’abord. La suite de son témoignage est également disponible.


Ghislain était mon grand-père. Il est décédé le 23 juillet 2023. Il était âgé de 100 ans. 


Première partie

Troisième partie

Quatrième partie



DOCUMENT AUDIO (DEUXIÈME PARTIE):
Avant d’écouter ce document, lisez ces questions.


1) Sur quoi dormaient Ghislain et les autres prisonniers ?
2) Qu’est-ce qui les embêtait beaucoup pour dormir ?
3) Quelle était la première tâche de Ghislain à l’usine ?
4) Dans quel état d’esprit faisait-il ce premier travail ?
5) Quel a été le problème avec son second travail ?
6) Quelle a été la réaction du contremaître quand il a appris la profession de Ghislain ?
7) Dans quel type d’entreprise aurait dû être placé Ghislain ?
8) Que faisait Ghislain pour ralentir la cadence ?
9) En cas d’alerte, que faisaient les contremaîtres ?
10) Lors des alertes, où allaient en fait les prisonniers ?


Écoutez maintenant le document audio (2 minutes 39).








EXERCICE.
Pour chaque question, il y a une réponse correcte. Cochez-la. Et réécoutez le document en même temps si cela vous aide.



TRANSCRIPTION :
Après l’exercice, vous pouvez lire la transcription et les remarques pour mieux comprendre ce témoignage.


Gab : Alors comment ça se passait là-bas en Autriche ?
Ghislain : Euh, alors, euh… à l’usine, d’abord, d’abord nous avions, nous étions logés dans un baraquement (1) qui était pas tellement, très confortable, puisque, bon, c’était des châlits (2) en bois qu’on avait, avec simplement une couverture et… on était…
Gab : Pas de matelas ?
Ghislain : Pas de matelas ! Oh non, non, pas du tout ! On avait simplement un peu de paille (3) de… dessus pour se… s’étendre. Euh, ce qui… ce qu’on a… beaucoup, euh, ce qui nous a bien gênés souvent c’était les puces (4) et les punaises (5), parce que… on a eu des quantités de puces et de punaises. [Gab : Ouais.] Et alors, j’allais travailler à, à l’usine qui était à environ, de nos baraquement, deux kilomètres, deux kilomètres et demi. Là, moi, je… au début, j’ai nettoyé, on m’avait donné un aspirateur et je nettoyais les avions parce qu’on était, c’était une chaîne. Alors, je rentrais dans la cabine, avec mon aspirateur et j’en… j’aspirais toutes, les, le, le, toutes les saletés, quoi, qui avaient été, qui étaient à l’intérieur de, de la cabine. Alors, je passais d’un, d’un avion, à l’autre, euh, et, mais… j’allais très doucement parce que moins j’en faisais, mieux c’… je me portais, pour ce côté-là. Alors, euh, tout ça, ça a été le premier, ensuite, euh, on m’a mis à monter un, un tuyau dont je ne connaissais pas le… on m’avait fait voir comment il fallait le monter mais jamais, j’étais pas du tout mécanicien, je, je montais mon tuyau comme je pouvais. Alors le contremaître passait souvent à côté de moi et puis il me disait, euh, « gemma (6) » : « Vite ! Vite ! Travaille plus vite que ça ! ». Alors, je lui dis un jour que j’étais, euh, paysan (7), que j’étais pas… « Ah ! », il me dit, « Mein Gott ! Bauer ! (8) » Alors, il, il était abasourdi (9) parce qu’on m’avait envoyé dans… dans une usine d’aviation plutôt que de m’avoir mis dans un, chez un…
Gab : Chez un paysan !
Ghislain : Chez un paysan ! Alors, euh, je, je travaillais le moins possible, je ralentissais le plus possible dans le travail, j’étais plus souvent dans les waters (10), on s’enfermait dans les cabinets (10) pour éviter que, de, pour que le travail avance le moins vite possible. Et, euh, alors je suis resté là pendant, euh, oh, peut-être quatre ou cinq mois, et puis, on a, il a commencé à avoir des alertes alors à ce moment-là, quand il y avait des alertes, euh, les, les contremaîtres autrichiens qui étaient là avaient plus, encore plus peur que nous des bombardements alors, ils avaient, ils nous prévenaient (11), euh, dès que (12) la, la sirène sonnait, on le, on était prévenus et on, on mettait nos, nos sacs sur le dos et puis dès, dès que, on, la, la « Fliegeralarm (13) », ils appelaient ça la « Fliegeralarm », la « la « Fliegeralarm » était annoncée, alors à ce moment-là, poum (14), on passait la, la, la, le, à l’extérieur de la, de l’usine et on allait se réfugier (15) dans les bois (16), euh, à quelquefois quatre ou cinq kilomètres sur les hauteurs (17) autour de Wiener Neustadt. Et on revenait quand c’… la « Fliegeralarm » était passée, quoi ! Voilà.
Euh, qu’est-ce que je peux dire encore ?

Remarques de vocabulaire :
1) Un baraquement = un bâtiment provisoire ou rudimentaire, en bois.
2) Un châlit = le cadre d’un lit, son armature. C’est donc un lit très rudimentaire.
3) La paille = c’est l’ensemble des tiges des céréales quand le grain en a été enlevé : la paille s’utilise normalement pour les litières des animaux.
4) Une puce : ce n’est pas seulement un composant électronique, c’est aussi un petit insecte qui apprécie beaucoup normalement les poils des chats et des chiens et qui saute beaucoup… On peut être piqué ou mordu par une puce.
5) Une punaise : c’est un petit insecte à corps aplati et à l’odeur très désagréable.
6) « Gemma » : je ne parle pas allemand mais je me suis renseignée ! Il s'agit en fait d'un mot en dialecte autrichien, et non pas en allemand standard, qu'on utilise pour dire qu'il faudrait continuer, se dépêcher. Mais c’est ce que Ghislain explique juste après.
7) Un paysan = un agriculteur. Longtemps, ce mot a été jugé négatif mais depuis quelques années, certains agriculteurs essaient de le réhabiliter, en particulier grâce à l’action de la « confédération paysanne », un syndicat agricole très actif qui s’est beaucoup développé dernièrement. C’est maintenant le second syndicat agricole en France. Vous avez peut-être entendu parler de son ancien leader, José Bové.
8) « Mein Gott ! Bauer ! » = en allemand : « Mon Dieu ! Un paysan ! ».
9) Abasourdi = très étonné, très surpris, stupéfait.
10) Les waters = les cabinets = les toilettes. Mais ces deux mots ont un peu tendance à se démoder.
11) Prévenir = (ici) informer, alerter, avertir. Ce verbe peut aussi signifier « anticiper ».
12) Dès que = aussitôt que.
13) « Fliegeralarm » = mot allemand qui signifie « alerte aérienne ».
14) Poum = une onomatopée qui peut être utilisée, comme ici, le caractère soudain et rapide d’une action. Mais la plupart du temps, « poum », comme « boum » est une onomatopée servant à évoquer une explosion. Ce n’est pas le cas ici, même si on parle de bombardements.
15) Se réfugier = se mettre à l’abri.
16) Dans les bois = dans la forêt.
17) Sur les hauteurs = sur les collines.

2008/11/13

DOCUMENT DE COMPREHENSION ORALE pour le niveau B2+ (Ghislain) :

La vie de Ghislain pendant la guerre (1).


Ghislain avait 86 ans au moment de cette interview.
Il habitait dans le Sud-ouest de la France. Il était retraité mais il avait été agriculteur pendant toute sa vie. Il m’avait raconté ce qui lui était arrivé durant la seconde guerre mondiale, à commencer par l’obligation de faire une sorte de service militaire (le « chantier de jeunesse ») puis de partir en Autriche.
 
Voici la première partie de son témoignage, 3 autres parties suivent.
 
Ghislain était mon grand-père. Il est décédé le 23 juillet 2023. Il était âgé de 100 ans. 



Troisième partie


DOCUMENT AUDIO (PREMIÈRE PARTIE) :
Avant d’écouter le document, lisez ces questions, ce sont les informations que vous devrez entendre dans l’interview.


1) Combien de temps Ghislain est-il resté dans les Pyrénées ?
2) Quel grade a-t-il obtenu à Arudy ?
3) Quelle activité lui et ses camarades ne faisaient-ils pas ?
4) Pourquoi sont-il partis d’Arudy ?
5) Sur le plateau du Bénou, qu’ont-ils dû faire après un certain temps ?
6) À Barbaste, un jour, que leur ont annoncé leurs chefs ?
7) Que leur ont conseillé leurs chefs ?
8) Pourquoi les gendarmes sont-ils venus chez lui ?
9) Quelle a été la réaction de sa mère ?
10) Que s’est-il passé quand Ghislain et ses camarades sont arrivés à Paris ?
11) Quelle a été la réaction des prisonniers français quand les nouveaux sont arrivés en Autriche ?
12) Comment a évolué l’attitude de ces prisonniers ?


Écoutez maintenant le document audio (5 minutes 05).








EXERCICE :
Pour chaque question, choisissez la réponse correcte. Vous pouvez réécouter le document en même temps, cela vous aidera.





TRANSCRIPTION :
Après l’exercice, vous pouvez lire la transcription et les remarques pour mieux comprendre la prononciation et le vocabulaire.


Ghislain : Alors, je… je vais dire, je suis… j’étais de la classe 1942 (a) suis parti en s…, en septembre, quand… au chantier de jeunesse (b). Euh, j’ai passé… je suis allé au chantier de jeunesse, je suis… j’ai atterri (1) à Arudy, dans les Basses Pyrénées. Là, j’y suis resté pendant… un an et demie. Je… j’ai fait l’école des cadres au chantier de jeunesse, pendant six mois et je suis, je suis sorti chef de groupe. J’ai eu, pendant un certain temps, une équipe, comme tout le monde, enfin, comme tous. Euh, je ne… à ce moment-là, j’ai fait… on faisait, le matin, on se levait (A) comme… assez tôt, on faisait le… un décrassage (2) matinal, ensuite, on se lavait. Pour le chauffage, on allait couper du bois. On avait un poêle dans le… dans la… dans la carrée, on, et on se « brûlait » avec le bois (sic : on brûlait le bois, ou : on se chauffait avec le bois) qu’on avait, euh, coupé dans le, dans la journée. Euh, qu’est-ce que je peux dire encore ? À moment donné, quand la zone… on nous a dit que la zone allait être occupée (c), alors on nous a fait changer de… de quartier, on est allés dans… sur le plateau (3) du Bénou. Là, sur le plateau du Bénou, j’y suis resté pendant un certain temps. On nous a fait, euh, démolir (4), toutes… tous les baraquements (5), euh, que… qui ont été transportés sur le… le Lot-et-Garonne, à Barbaste. On est restés pendant un certain temps, euh, à Barbaste, ensuite, à Barbaste, quand, euh, on nous a dit, les chefs nous ont dit que… on était… le gouvernement avait institué le service du travail obligatoire (d), alors on nous a avertis que l’on allait certainement nous réquisitionner (6). Alors les chefs nous ont dit à ce moment-là : « Dans la nuit, vous pouvez partir chez vous et puis essayer de vous camoufler (7) si vous le pouvez ». Mais comme il y avait rien à ce moment-là d’organisé (e) alors, je suis quand même… on a pris le train dans la nuit à… et je suis rentré à la maison. À la maison, j’y suis resté trois jours et… au bout de trois jours, les gendarmes sont venus me réquisitionner et ont dit « Où est-il ? Il faut qu’il rentre (B) immédiatement à son poste sinon, vous pourriez avoir des ennuis, vous les parents. » Alors, euh, maman, ma mère, à ce moment-là, « pris » (sic : prise) de peur, m’a… a pas voulu que je… j’aille… je me cache (C), elle a préféré que je revienne (D) au chantier de jeunesse. Je suis reparti et du chantier de jeunesse, à ce moment-là, je suis… on a été embarqués pour… pour l’Allemagne. Voilà. Euh, on est partis en train, de Barbaste, on a été d’abord à… c’était… oui, on a été d’abord à Limoges, on a été… on a stationné à Limoges pendant un jour ou deux, je me rappelle plus exactement et ensuite on a été, euh, dirigés sur Paris alors à Paris, on nous a fait quitter nos vêtements de… verts kaki, euh, de… verts, de la couleur des chantiers de jeunesse pour nous donner des vêtements bleu marine, de la couleur des, des services du travail obligatoire. Et on se… d’ailleurs tout le monde, on se demandait tous pourquoi on nous avait changés de ce… Et donc on a été embarqués à Paris via Strasbourg et puis on a traversé toute l’Allemagne pour atterrir à… en Autriche à Wiener Neustadt. Et à Wiener Neustadt, quand on nous a vus arriver avec ces costumes, euh, les prisonniers qui étaient là depuis déjà trois ou quatre années, euh, nous ont un peu, disons, ils nous ont pas mal reçus mais enfin, il nous ont demandé ce qu’on venait faire alors que normalement, eux, ils faisaient tout pour que, ch… enfin, essayer de moins travailler, saboter un petit peu ce que… pour écraser (8) le régime Hitlérien. Mais petit à petit, les, ils ont compris… on leur a expliqué comment on avait, on était partis…
Gab : Que vous n’aviez pas eu le choix…
Ghislain : Qu’on n’avait pas eu le choix, comment on était partis [sonnerie du téléphone]. Et bon, petit à petit, ça s’est arrangé.

Remarques culturelles :a) J’étais de la classe 1942 = j’étais mobilisable en 1942.
b) Le chantier de jeunesse : cette organisation a existé de 1940 à 1944. Alors : un peu d’histoire… En 1940, la France signe un armistice avec l’Allemagne nazie et accepte la domination nazie. Les Nazis laissent la France sous l’autorité d’un gouvernement dirigé par le Maréchal Pétain. Ce gouvernement s’installe à Vichy (dans le centre de la France). Le « Gouvernement de Vichy » supprime le service militaire et instaure à la place une sorte de substitut du service militaire, les chantiers de jeunesse. Cela ressemblait un peu au scoutisme (vie dans la nature, travaux d’intérêt général) mais c’était évidemment obligatoire.
c) La zone allait être occupée : L’armistice du 22 juin 1040 prévoyait la séparation de la France en deux zones, une zone occupée (nord) et une zone libre (sud). La zone dite « libre » par les Français est placée sous l’administration du Gouvernement de Vichy et les deux zones sont séparées par une « ligne de démarcation ». Mais en 1942, le 11 novembre, la zone libre est à son tour envahie.
d) Le STO (Service du Travail obligatoire) : avec la complicité active du Gouvernement de Vichy, l’Allemagne nazie a organisé le transfert de jeunes Français pour qu’ils aillent travailler en Allemagne et en Autriche, parce qu’on manquait de main-d’œuvre là-bas dans les usines, l’agriculture, etc.
e) Il y avait rien à ce moment-là d’organisé : Ghislain veut dire qu’à sa connaissance, aucun mouvement de résistance n’était encore organisé.

Remarque de prononciation :
Dans cette interview, comme tout le temps quand il parle, Ghislain a une façon très particulière de prononcer les « R ». On dit qu’il « roule les R », un peu comme en espagnol par exemple. Cela s’explique par son âge, sa région d’origine.

Remarques de vocabulaire :
1) J’ai atterri = (ici) je suis arrivé, j’ai été muté. Mais on utilise le verbe « atterrir » dans ce sens-là quand on n’a eu pas le choix.
2) Un décrassage : normalement, la « crasse » = la « saleté », « décrasser » = « nettoyer ». Mais les sportifs utilisent parfois ce terme pour dire « faire une petite activité sportive, pas trop dure » (comme le lendemain d’une compétition, par exemple). Ici, Ghislain veut dire qu’ils faisaient quelques mouvements de gymnastique ensemble.
3) Le plateau = une forme de relief. C’est une aire géographique assez plane, en altitude, où les cours d’eau sont encaissés (plus bas) et peuvent former par exemple des canyons.
4) Démolir = défaire une construction en la faisant tomber (en vue de construire un nouveau bâtiment) ou = la détruire (pour l’anéantir). Ici, c’est le premier sens que Ghislain utilise.
5) Un baraquement = une construction provisoire, en bois.
6) Réquisitionner quelqu’un = obliger quelqu’un à s’engager dans un service, une armée, etc. Réquisitionner quelque chose = quand l’Administration exige qu’un bien soit mis à sa disposition pour une cause publique.
7) Se camoufler = se cacher, se dissimuler.
8) Écraser = [au sens propre] aplatir (rendre plat) par une pression ou par un choc, = [au sens figuré] vaincre totalement, anéantir.

Remarques de grammaire :
A) On se levait : n’oubliez pas que pour décrire toute habitude passée, on utilise forcément l’imparfait, pas le passé composé.
B) Il faut qu’il rentre : il faut que + verbe au subjonctif. Vous pouvez révisez le subjonctif avec le site Polarfle.
C) Voulu que j’aille, que je me cache : vouloir que + verbe au subjonctif.
D) Elle a préféré que je revienne : préférer que + verbe au subjonctif.


Carte du "périple" de Ghislain dans le Sud-ouest (cliquez sur AGRANDIR pour avoir les légendes des repères) :


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